L’exposition « Synode, parler le paysage » a été conçue sous la forme d’un dispositif original et immersif.
Une douzaine d’acteurs du monde des arts, des idées et des sciences propose une reconstitution des paysages au palais synodal jusqu’au 4 octobre.
Six des 12 artistes vous livrent leur réflexion dans ces courtes vidéos.
Boris Presseq
Il y a des choses qui fleurissent sur le bitume. C’est ce que nous apprend Boris Presseq, qui a lui-même grandi en ville et est aujourd’hui botaniste au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse. Dans les couloirs de son lieu de travail, parmi les herbiers et les taxidermies, Boris nous parle du végétal urbain, de bibliothèques, et plus globalement de langage ; il explique l’individualité des pâquerettes, le prénom de ses figuiers, et qu’il suffit parfois de nommer pour faire éclore. Lors de notre rencontre, Boris nous a aussi offert des graines. Nous en avons fait pousser d’autres au sein du palais. De l’euphorbe des garrigues à la joubarbe à toile d’araignée, il s’agit d’espèces vivant au bord des chemins, dans les murs, parmi les ruines et les éboulis.
Céline Baumann
Que se passerait-il si nous remplacions nos politiciennes et politiciens par des fleurs? C’est une des questions que pose l’architecte du paysage Céline Baumann. Ses différents travaux engagent à réfléchir aux droits des plantes, à apprendre de leur intelligence et de leur sexualité. En explorant l’intimité du monde botanique, elle analyse la manière dont l’environnement porte plus largement en lui la marque de rapports de pouvoir et d’inégalités entre les genres. Elle fait ainsi écho à Birdcalls, l’œuvre sonore de Louise Lawler diffusée dans la cage d’escalier du palais synodal à l’entrée de l’exposition. Du skatepark aux orchidées de Nouvelle-Zélande, Céline appréhende ainsi le paysage comme une réalité politique, et lui imagine même un avenir législatif. Le tout passe d’abord par un face à face : il s’agit d’engager un dialogue avec les plantes en leur accordant la même légitimité qu’à n’importe quelle entité humaine.
Frédérique Aït-Touati
À la fois metteure en scène et historienne des sciences, Frédérique Aït-Touati fait se rencontrer des mondes. Elle ausculte le nôtre au travers de spectacles qui travaillent nos imaginaires écologiques. Loin de la scène, dans les coulisses de son appartement, Frédérique nous invite à repenser la différence entre paysage et personnages. Elle nous propose de troquer le point de vue humain pour observer la multiplicité des points de vie qui construisent nos écosystèmes – allant de l’échelle du microscope à celle de la lune. C’est, à son sens, parmi les astres et les non-humains que se cache le dernier véritable paysage.
Hicham Berrada
L’artiste marocain Hicham Berrada travaille comme dans un laboratoire. Il mêle la connaissance au hasard, la science à la poésie. Au sein de son atelier, il reproduit des protocoles scientifiques pour faire éclore des phénomènes et des images « comme un peintre maîtrise ses pigments et pinceaux […] ». Inspiré par les paysages désertiques – l’Atlas de son enfance et les montagnes des Pyrénées – Hicham souligne le potentiel qu’a le vide pour stimuler l’imaginaire, faire jaillir les projections et même les présages. Présages, c’est justement le titre qu’a donné Hicham à une série de performances et de vidéos qu’il réalise depuis plusieurs années. Une d’entre elles est venue se nicher dans la cheminée du palais synodal. Elle donne à voir une suite de réactions chimiques qui, générées dans un bocal ou un aquarium, évoquent de manière abstraite des éléments de l’environnement naturel. Ces formes, textures et couleurs composent alors des micro-paysages imaginaires qui ménagent aux spectatrices et spectateurs de l’espace pour leurs propres visions.
Mylène Pardoen
Mylène Pardoen écoute le paysage plus qu’elle ne le regarde. Docteure en musicologie, elle se définit comme archéologue du paysage sonore, une discipline dont elle est la fondatrice. À l’aide de microphones, de technologies immersives et parfois interactives, Mylène parvient à restituer des ambiances sonores venues d’autres époques. Dans son entretien, elle nous transporte ainsi jusqu’à une scène de marché du XVIIIe siècle, au Grand Châtelet, à Paris. Et puisque même les murs ont des oreilles, Mylène nous parle ici depuis les interstices. Sa voix fait vibrer la pierre du palais synodal pour nous décrire le passé et nous projeter vers l’avenir ; elle rappelle l’importance qu’il y a à être à l’écoute du monde et des autres, pour veiller au futur paysage collectif.
Éric Lenoir
Avant d’être paysagiste et pépiniériste, Éric Lenoir était punk. Cette attitude, il l’applique aujourd’hui à la nature : au Flérial, son jardin à lui, situé près de Montholon (Yonne), les choses poussent librement – l’idée étant toujours d’en faire le moins possible. Sa guitare à la main, il nous parle de flemme, de Pink Floyd et nous joue même quelques accords. Entre deux riffs, Éric nous décrit le temps de la graine, qu’il faut laisser germer. Il nous rappelle ainsi que le paysage est autant une affaire d’espace que de durée. Entre la mousse et les paillettes, des souches nous projettent alors dans un futur opaque. Sortes d’horizons mystérieux, elles laissent présager ce que pourrait devenir le paysage quand le temps s’emballe et les milieux s’assèchent.